Véritables leviers de croissance, les marketplaces sont devenues un canal de vente indispensable en e-commerce. Marc Lolivier, délégué général de la Fevad, revient sur la force de ce modèle marchand, ses innovations notamment autour du paiement, et sa réglementation.
Marc Lolivier : Nous venons de sortir le bilan 2021, après une période évidemment marquée par le Covid. Les ventes sur internet ont dépassé les 129 milliards d’euros en France (+15,1 % par rapport à 2020) ; En Europe, elles s'élèvent à 718 milliards d ’euros (+13 %) et dans le monde elles culminent à près de 5 000 milliards de dollars (+16 %). Globalement, on peut dire que le secteur e-commerce a poursuivi sa progression en 2021 portée par l’accélération des ventes de produits et la reprise des ventes de transports, tourisme et loisirs. Le rééquilibrage entre les produits et services se prolonge en 2022. En France, sur le premier trimestre 2022, nous avons ainsi retrouvé un niveau équivalent à 2019 s'agissant de la vente de services sur internet.
Marc Lolivier : Elles progressent fortement, aussi bien les pure players d'intermédiation (Rakuten, Vinted, eBay…) que les sites hybrides (autrement dit ceux qui ont une activité marketplace en plus de leur activité principale). 36 % des e-marchands vendent ainsi leurs produits sur les places de marché tierces. Et le top 15 e-commerce de la Fevad est composé à 100 % de sites hybrides.
Marc Lolivier : Les marketplaces ont accompagné le développement de l’activité des marchands tiers, en particulier les TPE/PME encore fragilisées sur l’année 2021 par le contexte sanitaire. Ce sont des intermédiaires qui permettent à des sites moins connus que d'autres de bénéficier immédiatement d'une audience forte et donc de réaliser rapidement un maximum de ventes. Une petite marque peut ainsi rayonner simplement en ouvrant un e-shop sur une marketplace. En résumé, elles offrent un accès facile au e-commerce, et peu coûteux vu qu'elles adoptent un modèle de commission, ce qui minimise les risques financiers.
Marc Lolivier : Je ne pense pas. Nous évaluons, à date, à 20% le chiffre d'affaires global marketplaces sur l'activité e-commerce en France (et à 33 % sur notre seul panel, qui concentre majoritairement des leaders).
Marc Lolivier : Le paiement est un point crucial de l'expérience-client. Longtemps, il a constitué un frein à l'achat sur internet.
La première attente du client est bien entendu la sécurité du paiement. C'est une étape clé pour construire une relation de confiance sur la durée. Mais c'est un challenge : cela requiert un niveau de sécurité maximal et en même temps le parcours client doit rester le plus fluide possible. Or, plus on multiplie les points de contrôle, plus on perd en fluidité. C'est la raison pour laquelle il y a de nombreux travaux en cours sur ce sujet, avec beaucoup d'innovations.
À toutes fins utiles, je précise aussi que la troisième exigence client sur internet est la possibilité d'avoir le choix du moyen de paiement. D'ailleurs, dans le dernier sondage que nous avons effectué avec Médiamétrie, il ressort que 59 % des e-acheteurs ont utilisé plusieurs moyens de paiement pour faire des achats en ligne au cours des 12 derniers mois. Cela montre bien l'importance du paiement dans l'expérience-client.
Marc Lolivier : Nous constatons aujourd'hui que la marketplace n'est plus, comme à ses débuts, une simple interface d'intermédiation. Elle offre aussi de nombreux services associés, incluant le paiement. Or, sur une marketplace, du fait de multiples vendeurs et d'une présence à l'international, le paiement est une étape bien plus complexe qu'il faut impérativement prendre en compte pour réussir son business.
Je rappelle que la marketplace est le seul secteur intermédié où il existe une vraie concurrence car il y existe une multitude d'acteurs. Cette concurrence les pousse à innover pour se démarquer et cela passe par la création de services, dont certains orientés vers le paiement.
Marc Lolivier : Il y en a eu plusieurs. Citons la loi pour une république numérique, du 7 octobre 2016, qui précise le contenu des obligations informatives applicables aux opérateurs de plate-forme en ligne. Ensuite, la loi contre la fraude, votée en octobre 2018, qui met en place une procédure de signalement des vendeurs soupçonnés par l’administration de ne pas s’acquitter de la TVA. N'oublions pas la procédure des KYC (Know Your Customers), qui est une mesure prévue par les 3ème et 4ème directives Européennes anti-blanchiment d’argent et financement du terrorisme. Son objectif est de protéger les clients de la marketplace contre son éventuelle défaillance mais également d’identifier clairement les personnes (morales ou physiques) avec lesquelles la marketplace traite.
Le processus s’applique donc autant avec les marchands présents sur la marketplace qu’avec les acheteurs. Pour mémoire, je rappelle que l'activité e-commerce a été d'abord réglementée par la directive 2000, qui a été conçue à un moment où l'activité des marketplaces n'existait pas encore.
Marc Lolivier : L'objectif est de favoriser le développement des services numériques au sein de l’Union, tout en garantissant un niveau élevé de protection à tous leurs utilisateurs.
Le principal objectif de la DSA est ainsi de remettre au goût du jour les règles de responsabilité des intermédiaires techniques en mettant l’accent sur la modération des contenus illicites à travers le renforcement des obligations des plateformes, du dispositif de contrôle par les autorités compétentes et des sanctions encourues.
Les places de marché font l’objet d’une attention particulière se traduisant par une série d’obligations spécifiques tenant à la traçabilité des vendeurs (« KYC »), la transparence vis-à-vis du consommateur …
De plus, la DSA prévoit une supervision accrue des « très grandes plateformes », autrement dit celles comptant plus de 45 millions d’utilisateurs dans l’Union européenne.
Cette approche proportionnée est une bonne chose car elle laisse plus de souplesse aux plus petites plateformes, ce qui est intéressant sur le plan de la concurrence. Concrètement, il s'agit aujourd'hui pour les acteurs du marché d'anticiper l’entrée en vigueur de la DSA et d’amorcer d'ores et déjà une démarche de compliance pour mettre en œuvre les nouvelles pratiques et rester performant dans ce nouvel environnement. Car les délais sont courts : 7 mois pour les grandes plateformes et 15 mois pour les PME et TPE à compter de la publication au Journal Officiel (JO).